« L’alcool, voilà l’ennemi » ou comment l’école de la IIIe République en France lutte contre l’alcoolisme

Si pendant longtemps l’alcool a été perçu comme bon pour la santé, sa consommation n’a cessé d’augmenter au cours du 19e siècle jusqu’à devenir un véritable problème de société en France. En effet, à partir des années 1870, l’ivrognerie, désormais dénommée « alcoolisme » depuis les travaux du médecin suédois Magnus Huss au milieu du 19e siècle, est considérée comme un fléau national. L’alcoolisme est devenu un sujet de préoccupation majeur, auquel l’opinion est de plus en plus sensible : en 1871, la première ligue contre l’alcoolisme est créée à l’Académie de Médecine de Paris, tandis que la loi du 23 janvier 1873 organise la répression de l’ivresse publique. C’est aussi un thème largement traité dans l’art et la littérature de l’époque : l’exemple le plus célèbre est sans doute L’Assommoir d’Émile Zola, paru en 1877, qui retrace la déchéance d’une famille ouvrière à cause de l’alcool.

Des campagnes antialcooliques s’organisent et insistent sur les méfaits et les dangers d’une consommation excessive d’alcool : détériorations physiques et psychiques pour le buveur, et conséquences néfastes pour sa famille (violences conjugales, misère…). Pour lutter contre l’alcoolisme, on prône la tempérance, c’est-à-dire un usage modéré des boissons alcooliques. Curieusement, une distinction est faite à l’époque entre le vin, la bière et le cidre – jugés alors bons pour la santé s’ils sont consommés avec modération – et les alcools distillés (comme l’absinthe ou le rhum) perçus comme la cause principale de l’alcoolisme.

L’école de la IIIe République a son rôle à jouer dans cette lutte : on demande aux instituteurs d’enseigner aux enfants les dangers de l’alcool. De nombreux matériels pédagogiques sont alors mis à leur disposition : affiches, bons points, manuels de lecture… fleurissent, d’autant plus qu’à partir de la fin des années 1890, la leçon d’antialcoolisme est inscrite dans les programmes scolaires.

                      

La bibliothèque Osler possède plusieurs ouvrages antialcooliques pour l’éduction des enfants, et notamment un exemplaire de 1904 du Manuel d’antialcoolisme publié par la Société antialcoolique des instituteurs et institutrices de France (Osler lib. Robertson section 1, L 2844 m 1904). Sous-titré « Mieux vaut prévenir que guérir », ce livre est censé fournir à l’instituteur un support pédagogique pour organiser une leçon antialcoolique. Le livre propose donc un programme pour chaque semaine de l’année scolaire, avec des images, des sujets de rédaction, des problèmes mathématiques, des chansons, des  dessins… liés au thème de l’alcoolisme, et adaptés aux différents niveaux scolaires (cours élémentaire ou cours moyen et supérieur).

Le manuel aborde aussi l’alcoolisme sur le plan médical, en décrivant ses conséquences physiques et mentales, notamment sur le cerveau.

Il évoque également des conséquences héréditaires de l’alcoolisme sur les enfants. L’hérédité  – à savoir la croyance que les tares tant physiques que psychiques se transmettent de génération en génération – est alors un thème cher aux scientifiques du 19e siècle, qui est notamment largement exploité par Zola dans sa série Les Rougon Macquart.  Ainsi le Manuel compare-t-il de manière très caricaturale, les enfants d’alcooliques, qualifiés de « dégénérés », et les enfants des « buveurs d’eau » en pleine santé et bien portants.

   

Ce manuel, censé aider les instituteurs dans la lutte nationale contre l’alcoolisme, est donc représentatif des préoccupations et des croyances de la France du 19e siècle (distinction entre bon et mauvais alcool, croyance forte en l’hérédité, peur des classes laborieuses, vocation morale de l’École). Il faut toutefois noter que ce mouvement antialcoolique n’est pas une spécificité française, et que dans de nombreux pays, notamment le Canada, des initiatives semblables sont prises.

 

Et pour terminer, un petit problème de mathématiques tiré du Manuel d’antialcoolisme : saurez-vous le résoudre (en sachant qu’1 franc équivalait à 20 sous à l’époque) ?

 

Paul, en allant au chantier, ce matin, à 6 heures, a pris comme d’habitude un petit verre d’alcool à 0 fr. 15. En sortant de l’estaminet, il a été pris de congestion et a dû être conduit dans une pharmacie où il a dépensé 0 fr. 50. Il a dû faire des démarches pour être embauché, et a perdu en tout 1h. 1/2 à 0 fr. 60 l’heure. A combien lui est revenue « sa goutte » et combien aurait-il pu avoir de petits pains d’un sou à la place?

 

Bibliographie :

Fillaut T, « De la tempérance à la consommation à faible risque (1880-2010) : Survol historique des normes en matière de prévention de l’alcoolisme en France », Colloque Alcool et Normes (défi brestois), Landerneau, Octobre 2011, disponible en ligne.

Lefebvre T., « La propagande antialcoolique en milieu scolaire au début du XXe siècle », Revue d’histoire de la pharmacie, 84, 309, 1996.

Parayre S., « L’entrée de l’éducation à la santé à l’école par la prévention (XVIIIe-XIXe siècles) », Recherches & éducations, 3, septembre 2010, disponible en ligne.

 

 

Illustrated Talk: A History of Neuro-Oncology & Canadian Savoir Faire

You’re invited! Please join us Thursday March 30th, 4:30pm for an illustrated talk by Dr. Rolando Del Maestro, MD, PhD, William Feindel Emeritus Professor in Neuro-Oncology, Director of McGill Neurosurgical Simulation Research and Training Centre.

This talk encourages discussion surrounding ideas and individuals that have shaped the world of neuro-oncology, while placing emphasis on Canadian neuro-oncology research. Guests are encouraged to prepare a ‘Canadian Neuro-Oncology Minute’ that highlights an individual’s contributions to historical and/or current advancements in Canada. The most compelling of these ‘verbal minutes’ will receive an autographed copy of Dr. Rolando Del Maestro’s book A History of Neuro-Oncology (2008).

Who would you choose to highlight for a ‘Canadian Neuro-Oncology Minute’?

Gord Downie performing live at Hillside Festival in Guelph, Ontario in 2001. Photo by Ryan Merkley. Retrieved from WikiMedia Commons.

 

Gord Downie, lead singer of The Tragically Hip.

The beloved singer, songwriter, poet, and all-round cultural Canadian icon was recently diagnosed with incurable brain cancer. His public diagnosis and tremendous courage has helped raise awareness about neuro-health in Canada.

 

 

For information regarding the work and research happening at the McGill University Neurosurgical Simulation Research Center, follow this link.

A la découverte du Brésil avec l’Historia naturalis Brasiliae

Au 17e siècle, le Brésil est une terre portugaise depuis sa découverte en 1500 par le navigateur Pedro Álvares Cabral. Toutefois, une enclave hollandaise existe entre 1624 et 1654 au nord-est du Brésil. C’est dans ce contexte que deux hollandais, le médecin Willem Piso et l’astronome Georg Marggrav, accompagnent en 1638 le prince de Nassau dans son voyage au Brésil. C’est l’occasion pour les deux savants d’explorer le territoire et d’en répertorier la faune et la flore.

Titre-frontispice

Leurs découvertes sont rassemblées en 1648 par le géographe Johannes De Laet dans un livre intitulé Historia naturalis Brasiliae. Cet ouvrage est considéré comme le premier traité scientifique sur le Brésil. La bibliothèque Osler possède un exemplaire de l’édition originale (Osler room – folio P678h 1648), imprimée à Leyde, par la célèbre maison Elzevier. Le titre-frontispice est particulièrement travaillé : il s’agit d’une gravure colorée à la main, qui semble évoquer le Brésil comme un nouveau Paradis. On y voit deux indigènes, dans une végétation luxuriante, entourés de nombreux animaux (perroquets, singes, fourmiliers, serpents, poissons, crabes, tortues, paresseux…).

Le livre se compose de deux parties : le De medicina Brasiliensi écrit par Willem Piso, et l’Historia rerum naturalium Brasiliae de Georg Marggrav. L’ensemble, organisé et complété par Johannes De Laet,  est richement illustré par plus de quatre cents gravures sur bois.

Un moulin à sucre

Dans son De medicina Brasiliensi, Willem Piso recense les maladies et les venins qui existent au Brésil, ainsi que leurs remèdes locaux. Il y décrit également les vertus thérapeutiques des plantes (De facultatibus simplicium). On trouve d’ailleurs une explication très intéressante de la fabrication du sucre de canne (De saccharo).

Homme en habit traditionnel

La seconde partie, l’Historia rerum naturalium Brasiliae, rédigée par Georg Marggrav, recense les plantes, les poissons, les animaux et les insectes du Brésil. Une rapide description du pays et de ses habitants est également incluse : Marggrav y évoque les coutumes des indigènes du Brésil (vêtements, religion, nourriture… et même la langue avec un bref lexique incorporé dans le texte).

Une espèce de fruit de la passion

Un fourmilier

L’Historia naturalis Brasiliae a fait connaître en Europe de nouvelles plantes médicinales (comme l’ipecacuanha, utilisée notamment pour traiter la dysenterie). Il est devenu un ouvrage de référence pour les naturalistes européens tout au long des 17e et 18e siècles: son influence est notamment perceptible dans les travaux de Buffon et de Linné. C’est un riche témoignage des tentatives de description et de compréhension de la nature au 17e siècle.

 

Bibliographie:

Brienen R. P., Visions of Savage Paradise: Albert Eckhout, Court Painter in Colonial Dutch Brazil, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2006.

Charlot C, Guibert M.-S., “Petite histoire de la Racine Brésilienne en France au 17ème siècle”, 38e Congrès international d’histoire de la Pharmacie, Séville, 19-22 septembre 2007, disponible en ligne.

Galloway J. H., “Tradition and innovation in the American sugar Industry, c. 1500- 1800: an explanation”, Annals of the Association of American geographers, 75, 3, 1985.

Medeiros M. F. T., Albuquerque U. P., “Abstract food flora in 17th century northeast region of Brazil in Historia Naturalis Brasiliae”, Journal of Ethnobiology and Ethnomedicine, 10, 50, 2014.

Safier N., “Beyond Brazilian nature: the editorial itineraries of Marcgraf and Piso’s Historia Naturalis Brasiliae”, dans Van Groesen M. (ed.), The Legacy of Dutch Brazil, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.

Walker T. D., “The medicines trade in the Portuguese Atlantic world: acquisition and dissemination of healing knowledge from Brazil (c. 1580–1800)”, Social history of medicine, 26, 3, 2013.

Whitehead P. J. P., Boeseman M., A portrait of Dutch 17th century Brazil : animals, plants, and people by the artists of Johan Maurits of Nassau, Amsterdam – Oxford – New-York, North-Holland Publishing Company, 1989.

 

 

Resurrecting the History of Body-Snatching at McGill

Guest post by Annelise Dowd. Annelise is a McGill University Master of Information Studies student with research interests in the digital humanities, library accessibility, and special collections outreach.

 

“He told us there were two subjects, and that as you were nervous he’d set you and Jim to work first; that our turn would come. He pointed to a grave; said that’s where would have to work; told us not to begin until he returned, as we might be caught; and that when we heard the whistle we were to run to the gate.”

 

My Last Experience of Resurrectionning,”

McGill University Gazette,vol. 1, no. 4: January 1, 1874

 

The Origins of McGill Student Body-Snatching

Anatomy study, McGill medical students, Montreal, QC, 1884. McCord Museum.

In the 1830s, the nascent McGill Medical Faculty was incorporating the practice of dissection as the central method for anatomical instruction. However, even with the introduction of the Anatomy Act in 1843, an act intended to legally require institutions to supply bodies to medical faculties, the city of Montréal failed to donate an adequate number of cadavers. With limited options and little institutionally provided dissection material, McGill medical students quite literally took the issue into their own hands.

Portrait of the McGill “Resurrectionists”

Graduating Class in Medicine, c.1905. McGill Archives.

The McGill University Gazette, McGill’s first newspaper, illustrates the figure of the student body-snatcher, or a more popular term at the time, “resurrectionist.” Medical students resurrected corpses for one of two purposes: for their own anatomical exams, or to supply bodies to their professors, with a reward of $30-$50 per body. For a number of medical students, body-snatching was an efficient, albeit morbid, means to cover one’s tuition.

Body-snatching was often a winter activity, due to the frozen ground preventing the burial of bodies. Until the ground thawed, corpses were stored above ground in cemetery “dead houses,” an easy target for students to forcibly enter and steal bodies. A winter body-snatching trip would typically include hiking to Côte-des-Neiges or Mount Royal cemetery in the dead of night, removing the corpses from their caskets, and tobogganing down the snow-covered slope with their “subjects” in tow.

“The Good Old Days at McGill,” The McGill Daily Vol. 39 No. 001: September 27, 1949

The legal ramifications for body snatching were minor, and the general attitude towards body-snatching amongst the medical student body was openly positive. In fact, students fined in court for body snatching in 1875 were hoisted on the shoulders of a sea of medical students, chanting and singing in encouragement of their classmates’ deeds!

The Continued Legacy of Body-Snatching

In 1883, a strengthened Anatomy Act put greater pressure on institutions to provide bodies to Montréal’s medical schools. In effect, by the twentieth century, any mention of body-snatching had all but disappeared. Yet, as noted in the early issues of The McGill Daily, the legacy of these “brave resurrectionists” lived on in the medical faculty for decades. Annually, students would celebrate “King Cook”, the medical building custodian who assisted students in sneaking unofficially obtained corpses on campus. These celebrations consisted of a parade down Saint Catherine Street and humorous theatrical productions, in which the famed Stephen Leacock was known to partake in.

Medical Building janitor King Cook dressed as John Bull, the patriotic symbol of Great Britain, with medical students, 1918. McGill Archives.

The notoriously rowdy “King Cook Celebration” was documented as last occurring in 1926, and since then the history of the medical student body-snatching has been largely forgotten. Although largely absent from official documents, the remaining first-person accounts reveal this morbid and fascinating period in McGill Faculty of Medicine history.

 

 

 

Sources:

Hanaway, Joseph, and Richard Cruess. “The Faculty of Medicine: 1874–85: The Osler Years.” McGill Medicine: The First Half Century, 1829-1885, McGill-Queen’s University Press, 1996, pp. 65–99, www.jstor.org/stable/j.ctt814n7.11.

Lawrence, D.G. “Resurrection and Legislation or Body-Snatching in Relation to the Anatomy Act in the Province of Quebec.” Bulletin of the History of Medicine. 32.5 (1958). Print.

Shepherd, Francis J. Reminiscences of Student Days and Dissecting Room. Montreal: publisher not identified, 1919. Print.

The McGill Student Publications Collection

Worthington, E D. Reminiscences of Student Life and Practice. Sherbrooke [Quebec: Printed for Sherbrooke Protestant Hospital by Walton, 1981.